En novembre 1788, Marianne Lacan âgée de cinquante-huit ans s'éteint à Malescombes. Jean Combes, son grand fils, a maintenant 34 ans. Il a trois enfants : un fils, François que nous retrouverons plus tard, une fille, Marianne, et Jean, le dernier, âgé de deux ans.
14. La grande peur (août 1789)
24 janvier 1789 : lettre de convocation
et règlement électoral pour les Etats Généraux.
1er mars 1789 : séance d'ouverture
des Etats Généraux à Versailles.
Quand le 1er mars 1789 naît le petit
Alexis, un nouveau fils de Jean Combes et de Catherine Delous, la communauté
de Malescombes ne soupçonne pas l'immense bouleversement que va
connaître la France. La vie paysanne, très difficile ces années-là,
n'est que la continuation de la lutte ancestrale pour la survie. Les vieux
se souviennent toujours d'autres famines, d'autres épidémies,
comme des bornes dans une histoire qui semble vouée à la
souffrance. Pourtant on se parle, on chante, on rit, on aime...
Et cet enfant sera dans son petit lit
quand on rapportera à la veillée les événements
de Paris. La porte sera ouverte et chacun assis devant la maison, quand,
dans la nuit de juillet 1789, quelqu'un racontera la prise de la terrible
prison : la bastille.
Et puis, quelques jours plus tard, un
peu plus bas, à Ste Eulalie...
Nous sommes le 1er août au soir; il fait très chaud. Toute la population du village, devant les maisons ou sur les places, tente de profiter du moindre souffle d'air. Comme une assemblée en effervescence, plusieurs dizaines de femmes rient et plaisantent sur le bord du Lot, prenant un peu du frais de la rivière. Ce sont d'abord elles qui entendent ce groupe de voyageurs arrivé devant l'église. Ils viennent de Rodez où des hommes affirment que de véritables armées de brigands profitent du bouillonnement politique pour se précipiter dans les campagnes. On les dit déjà maîtres de Mende et de St Flour. Ils brûlent les récoltes sur pied, détruisent les villages, pendent par les pieds les habitants, torturent les uns et les autres. L'un des voyageurs dit que partout au long du Lot des paysans s'arment pour se protéger. Les femmes sont remontées sur la place, la foule échange gravement des avis. Très vite dans le village les opinions se partagent : il y a ceux qui veulent qu'on supplie les régiments de venir faire barrage aux brigands. On leur réplique : « ils sont tous retournés dans les grandes villes ! Personne ne viendra ici ! ». D'autres poussent à la formation d'une milice offensive; d'autres encore à la construction de défenses autour du village. Plus tard, dans la nuit, autour des cabarets, l'agitation est telle que des bagarres éclatent. On a sorti des armes, et certains ont hâte de s'en servir. Au matin plusieurs groupes se forment pour garder les abords aux principaux chemins. Des femmes pleurent et gémissent sur la place de l'église. Plusieurs familles quittent Ste Eulalie pour se cacher dans la montagne.
4 août 1789 : abolition des privilèges
et des droits féodaux
Des groupes de paysans menacent le
château de Loupiac près de Séverac.
8 août : abolition de la dîme
destinée au clergé.
26 août : vote de la déclaration
des droits de l'homme et du citoyen. Déclaration de la liberté
religieuse
15. Le Te deum de la Révolution
:
Le dimanche 30 août, le prieur
Pierre Jean Julien monte à la chaire avec un long texte. Très
cérémonieusement, il annonce qu'il va lire un texte, par
ordre de monseigneur l'Evêque. Il ajuste ses bésicles, relève
son document et commence. L'assistance est silencieuse; même les
bruits de sabots se réduisent à de légers frottements
sur les dalles. Jean Combes de Malescombes est là. Il est venu ce
matin pour parler à sa lointaine cousine Anne, fille de Jean-Pierre
Combes daudou, mariée au bourgeois Bernardin Vassal. C'est elle
qui l'a entraîné à la messe.
Seignelay Colbert de Castle-Hill, par la Grâce de Dieu et l'autorité du St Siège Apostolique, Evêque et Comte de Rodez, Conseiller du Roi en tous ses Conseils : à tous Abbés, Chapitres, Prévôts, Doyens, Prieurs, Curés, Supérieurs des Communautés Séculières et Régulières, et autres Ecclésiastiques et à tous les fidèles de notre diocèse : Salut et Bénédiction.
Avec quelle reconnaissance et quelle joie,
nos très-chers frères, ne devez-vous pas accueillir les décrets
de l'Assemblée Nationale, que nous sommes chargés de faire
publier dans nos temples. Ce n'étoit pas assez pour cette Assemblée
auguste et généreuse d'arracher des abus qui croissoient
depuis des siècles, à l'ombre de l'autorité, de la
Justice, de la Religion même; »
13 février 1790 : les ordres
religieux sont abolis
14 mai 1790 : mise en vente des biens
du clergé.
1er juin 1790 : décision d'expulsion
des personnes qui ne sont pas originaires de Ste Eulalie, ou qui n'ont
pas de demeure fixe et qui n'y auraient pas habité pendant 3 ans.
Egalement ceux qui n'y résident pas depuis 6 ans.
26 juin 1790 : Jean Pierre Combes et
Germain Combes sont élus parmi les 12 gardes nationaux de Ste Eulalie
qui vont à St Genièz demain élire les délégués
qui iront à Paris à la confédération générale
des gardes nationales
12 juillet 1790 : sur la place de Ste
Eulalie : prestation de serment de fidélité de la municipalité
d'être fidèle à la nation, à la loi, au Roi.
12 juillet 1790 : vote de la Constitution civile du clergé.
9 août 1790 : choix définitif de Rodez (plutôt que Villefranche) comme chef-lieu de département de l'Aveyron. Ste Eulalie est dans le district de St Geniez.
10 août 1790 : Naissance de Félicie Combes fille de Jean Pierre Combes Daudou-Limouzi de Ste Eulalie.
Vers la fin du mois d'août, on discute ferme au conseil municipal de Ste Eulalie. Des paroissiens se plaignent : où est l'égalité des citoyens si, à la messe, certains sont assis sur un banc dont ils sont propriétaires et d'autres debout, sans rien voir ? En effet, le confort de quelques privilégiés bouche la vue du plus grand nombre. Le citoyen curé Planard est du côté des contestataires. Les privilèges des "aristocrates" doivent disparaîtrent, même et surtout à l'église. D'ailleurs, ceux-ci ne viennent plus aux offices depuis qu'un prêtre assermenté officie. Il n'y a donc plus d'hésitations : le 29 août 1790 la décision est officiellement prise d'enlever les bancs des particuliers qui se trouvent dans l'église et qui empêchent les paroissiens de "voir ce qui se passe au maître-autel et suivre le ministre du Seigneur dans ses prières". Les propriétaires devront les retirer dans les vingt-quatre heures sous peine de 5 livres d'amende.
17. Un serment fugitif
27 novembre 1790 : l'Assemblée
constituante exige du clergé un serment de fidélité
à la constitution civile
3 janvier 1791 : publication dans
l'Aveyron de la loi ordonnant le serment du clergé à la constitution
civile du clergé.
25 janvier : émeute des catholiques
de Millau contre la Constitution Civile et le serment des prêtres.
10 février 1791 : Jean Julien
prieur, François Carrière et Pierre Cobrat vicaires de Ste
Eulalie déclarent qu'en exécution de la loi du 26 sept 1790
ils prêteront serment dimanche prochain 13 courant à l'issue
de la messe paroissiale
Il y a beaucoup de monde ce dimanche dans
l'église de Ste Eulalie, plus que ces derniers temps où la
messe était quelque peu désertée. Mais si une foule
a rempli l'édifice, une autre foule aussi houleuse, se tient à
l'extérieur .
Marie Costes apostrophe un paysan qui
sort de l'église : «elle te plait plus, la messe ? C'est-y
que tu préfères revenir pour la fin ? » l'autre hausse
les épaules, regarde le groupe et prudemment retourne dans l'église.
Au moment de l'élévation, un grand silence se fait; ceux
du dehors ont le regard dur fixé sur les portes ouvertes de l'édifice.
Anne Combes est de ceux-là; pourtant son mari est à l'intérieur,
requis en tant que procureur de la commune pour recevoir le serment des
prêtres. Dès que la messe est finie, le prieur Julien échange
quelques paroles brusques avec le maire Delzers et le procureur Vassal
: il refuse de monter en chaire lire sa prestation de serment, il prétend
que rien ne l'y oblige, qu'il peut tout aussi bien le faire d'en bas de
la marche du choeur. La suite de la discussion se perd car ceux du dehors
ont entamé un "Veni creator" tonitruant qu'on entend dans toute
l'église.
On voit le prieur prendre son papier
et lire :
« L'Eglise catholique apostolique et romaine, épouse de Jésus-Christ, mon Dieu, mon sauveur, mon souverain et mon Roi et ma Sainte Mère et m'apprenant que c'est de Dieu même que les puissances de la terre tiennent leur pouvoir et leur autorité pour faire des lois civiles et politiques, m'ordonne de rendre à César ce qui appartient à César et de rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu.»
Plusieurs voix s'élèvent : «plus fort ! ». Le prieur s'arrête, puis reprend en augmentant à peine le volume de sa voix.
«...En conséquence pour obéir à Dieu et lui rendre ce qui lui appartient pour le temporel le civil et le politique, je jure de veiller avec soin sur les fidèles que l'Eglise m'a confiée ou qu'elle me confiera, je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au Roi, de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi, laquelle excepte formellement les objets qui dépendent essentiellement de l'autorité spirituelle et c'est encore pour cette exception que je prétends rendre à Dieu ce qui lui appartient.»
Les chants du dehors sont maintenant mêlés de cris : des hommes sont sortis de l'église pour faire taire ces "aristocrates". Au pied de l'autel, les deux vicaires viennent eux aussi lire le texte et prêter serment, les yeux baissés, la voix à peine audible. Quand ils ont terminé, le maire et Vassal leur serrent la main et l'assistance applaudit à tout rompre. De l'autre côté de la place, Anne voit sortir son mari mal à l'aise et la tête basse.
10 mars 1791 : le Pape condamne la
Constitution civile du clergé.
24 mars : à Rodez, Deberthier,
curé de Laguiole, est élu évêque constitutionnel.
Seulement 210 "grands électeurs"
sur 680 prennent part au vote. L'évêque est élu avec
156 suffrages.
15 mai : Jean Julien et ses deux vicaires rétractent leur serment du 13 février " parce qu'ils n'avaient à cette date connaissance de tout ce qu'il impliquerait". En fait, ils croyaient que le Pape accepterait les prestations de serment, alors que le 10 mars le Pape a condamné la constitution civile du clergé.
27 mai 1791 : nouveau décret
contre les prêtres réfractaires menacés de déportation.
18. "Vraies et fausses" messes
23 septembre (octobre ?) 1792 : le citoyen Planard nouvellement élu à la cure de la paroisse prête serment selon l'article 37 de la Constitution Civile du Clergé "d'être fidèle à la nation, à la loi; de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m'est confiée; de maintenir la constitution civile clergé; de soutenir la liberté et l'égalité ou de mourir à mon poste."
Dès que la messe est célébrée
par un vrai et bon prêtre assermenté, les citoyens n'hésitent
plus à s'y rendre. Jeanne Limouzi, la femme de Jean-Pierre Combes,
est enceinte de son deuxième enfant, le premier est dans les bras
de sa sœur. Toutes deux prennent la petite rue qui va d'en face le moulin
jusqu'à la place de l'église. Marianne Vidal dite "Sabaudoune"
qui du bâton tente de faire avancer son cochon les observe d'un œil
noir. Pour elle, le Jean-Pierre est un révolutionnaire féroce,
un monstre bouffeur de prêtres. Elle se met à taper un peu
plus fort sur la bête en lui criant : «allez, allez, te, te,
patriote, tourne à ton purin ! », puis, comme sa chienne excitée
par les cris se met à aboyer, Marianne Vidal lui lance : «te
vas pas gueuler encore ! Viens ici, patriotoune !». La Jeanne, qui
tente alors de passer entre le cochon et le chien, lui dit : «tu
finiras au cachot, Sabaudoune !» «N'importe, que la nation
vienne me faire un baiser au cul ! Ça sera bien !» . Quelques
pas plus loin c'est Louis Cayron qui apostrophe les femmes : «cette
messe vaut rien ! Y aller c'est faire un péché mortel !»
, puis, voyant quelques hommes venir vers lui, il s'esquive rapidement.
Ils sont nombreux au village ceux qui méprisent le curé Planard.
25 septembre 1792 : la royauté
est abolie.
21 octobre : Pierre Jean Julien, curé âgé de 70 ans, demande à être examiné par un officier de santé car il s'estime incapable de sortir des limites du district alors que, selon la loi, ayant refusé de prêter serment, il doit quitter la commune.
19. Un caporal volontaire (juillet 1793)
25 mars 1793 : nouvelle levée
de volontaires -peu de succès
mai : premières défaites
aux frontières, exaltation patriotique
24 mai : un arrêté départemental
relance la formation des deux bataillons
27 juillet : la patrie en danger est
proclamée à Rodez. Les deux bataillons sont complets.
Jean Combes, né en 1773 à
Ste Eulalie (12)
Fils de Jean Pierre Combes (Daudou) et de Catherine Galan. Taille : 5 pieds 3 pouces 6 lignes soit 1,72 m. Yeux gris, nez moyen, menton rond, visage rond avec des marques de petite vérole. Caporal de la 1ère escouade du 1er peloton de la Cie de la Hte Viale (Garde Nationale de Ste Eulalie). Il fait ensuite partie des volontaires nationaux du département de l'Aveyron (Cie des cannoniers du 2e bataillon) qui fait partie de l'Armée des Alpes. Il en est mis en congé le 8 mars 1795. Son frère Jean-Pierre, de six ans
son aîné, part avec lui dans la même compagnie du 2e
bataillon et sera Sous-Lieutenant. Pendant la campagne de St Etienne (St
Etienne-lez-Remiremont ?) il fait une chute qui lui occasionne une hernie
(?). A cause de cela, le 1er octobre 1793, il est officiellement mis en
congé.
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20. La peur d'Hélène (21 mai 1793)
21 janvier 1793 : exécution
de Louis XVI
21 mars 1793 : Création des
Comités de surveillance révolutionnaire. Début
de la Terreur dans le département.
Les esprits sont chauffés à
blanc, et si les "contre-révolutionnaires" sont pourchassés,
les "révolutionnaires" (qui ne sont parfois que des délateurs)
ne dorment pas toujours tranquilles dans leur lit...
«Ce jourd'hui vint unième
jour du mois de mai de l'an 1793 et l'an 2 de la République française
dans la maison commune c'est présenté pierre Truel officier
municipal abitant au vilage de malescombes lequel nous est venu porter
plainte que le jour de hier alentour de la nuit il s'est formé un
atroupemant dans le dit vilage et la nommee hailene "beisade" ici presente
nous a ausi porte plainte que ce mesme atroupemant etait antré dans
sa meson apres avoir forcé la porte d'antree, etait venu dans son
lit avec des haches la menaçant de l'égorger si elle ne sortoit
de son lit ce que peut etre lui seroit arivé si elle n'avoit etaint
sa lampe et si elle ne s'étoit cachee a la faveur de la nuit. Elle
nous a dit avoir reconeu dans cest atroupemant que le citoyen descaïlalets
fils, son maître valet, son domestique appelé le viannais,
jean poujol, jean tibaut et pierre cause (Coste). La dite "vaisage" requise
de signer a dit ne savoir. le citoyen Truel officier municipal.»
21. La contre-révolution de Marianne Vidal
Ce soir, c'est la St Jean de l'an 1793.
Dans la chaleur d'un été précoce, une dizaine de jeunes
hommes ont entassé sur la place tout le bois nécessaire pour
le grand feu.
Sabaudoune est assise sur les marches
de la maison Mayrissou, Marie, la femme de Costes, est debout près
d'elle. Trois autres femmes, tout à côté, plument des
volailles. A quelques mètres, sur la place du Sol de la rente, le
jeune Combacau rajuste une grande porte qui depuis longtemps menace de
tomber.
- Le Guillaume Combes de Malescombes, y fait mal ses 65 ans, il est encore malade. Sa Marianne elle m'a dit que le curé lui avait monté le viatique.
- Ce faux curé de Planard devrait s'munir d'un seau !
- Pourquoi tu dis ça ?
- Un seau ça serait mieux pour porter l'estalas !
- C'est le corps du Seigneur que tu appelles l'estalas ?
- Dans les mains d'un diable ça peut pas être autre chose !
Comme on sonne les vêpres, une
des plumeuses pose sa volaille, s'essuie les mains sur le linge qui lui
couvre les genoux. Elle se lève et entre chez elle pour s'apprêter.
Sur la place, le curé Planard
se dirige vers l'église à grandes enjambées.
- Cours donc, Sorcier du démon !
- T'es qu'une sacrilège, Marie, le Seigneur te fera expier !
- Elle a peur de rien cette vipère; déjà l'autre jour avec sa troupe de bigottes elles ont lancé des pierres au curé...
- Laisse dire, Marie, on sonne les vêpres des patriotes ; allons dire les vêpres des aristocrates. Il ne faut pas entrer dans l'église ni dans la salle du club, à moins que l'on ne se soit parfumée avec des graines de cades.
La-dessus, sous les sifflets et les
injures, les deux femmes se lèvent et partent vers le ruisseau de
Serres.
22. Des irrévérences
dans l'église (15 juillet 1793)
Janvier 1794 : aggravation de la déchristianisation.
16 fevrier 1794 : choix au suffrage
universel d'un culte. Ste Eulalie choisit le culte catholique.
17 fevrier 1794 : on brûle sur
la place les parchemins féodaux.
1er mars : premier convoi de prêtres
Aveyronnais déportés à Bordeaux.
5 mai : 51 prêtres Aveyronnais
déportés à Toulouse.
7 mai : Décret instituant le
culte de l'Etre suprême.
10 juin : Loi réorganisant
le tribunal révolutionnaire et renforçant la répression
23. La mort du père et la mort du fils (27 juillet 1794)
A la lueur de quelques bougies, dans l'église
de Malescombes, un prêtre célèbre la messe. C'est Anne
Combes, la femme de Thibaud, qui l'a fait venir. Son père
Guillaume et son frère Germain sont au plus mal... Le prêtre
qui est là n'est pas assermenté, c'est un réfractaire,
il fait partie de ces ecclésiastiques cachés mais dont beaucoup
de catholiques fidèles aux traditions connaissent le refuge. On
est allé plus loin : pour l'eucharistie, on a voulu les "vases sacrés"
qui ont toujours été utilisés : le calice, la patène,
le ciboire, les burettes, et même la nappe de communion.
Pierre Truel , officier municipal
de Malescombes, a été secrètement les chercher et
les a prêtés pour l'occasion . Ensuite, dans l'obscurité,
le groupe sort de la petite église, chacun repartant par un chemin
différent.
Le lendemain, Jean Thibaud et Jean Combes,
le frère d'Anne, se rendent à Ste Eulalie. Ils en ramènent
Louis Combacau, officier public pour lui faire, selon la loi, constater
le décès de Guillaume Combes et de son fils. Anne et une
autre femme entament la toilette mortuaire. Une fine pluie se met à
tomber. Combacau marmonne en repartant : «Pour le coup, j'vais encore
chuter dans la boue de ce chemin vicieux !»
24. Les insoumis (1795)
29 mai 1794 : après les réquisitions
pour l'armée, on fait la chasse aux déserteurs et on arrête
leurs parents si on ne les trouve pas.
6 juillet 1794 : chasse aux déserteurs
dans les bois
Marie, la femme de Barthélémi Sannier, est venu passer un moment chez les Cantagrel. Il fait froid et humide en ce début du mois de février que la révolution a nommé "pluviôse". Marie est assise dans l'étable et cause avec la fille Cantagrel, une religieuse que la loi a sorti de son couvent et qui est retournée travailler chez ses parents. Mais il faut penser aux bêtes... La fille Cantagrel monte à la grange qui se trouve par dessus pour donner du foin à une vache. Marie l'entend crier, puis elle la voit redescendre : «Marie, Marie, viens voir là-haut !». Marie se lève et monte avec elle. Françoise Tenières qui se trouvait tout près se précipite aussi. Elles voient une sorte de très grande bosse dans la paille. Les femmes saisissent des fourches et fourragent la bosse... Quelque chose résiste ! «Françoise, cherche avec ta main !». Obéissante, Françoise plonge la main, en sort un habit et s'évanouit. Pendant que Marie la réveille d'une gifle, la fille Cantagrel a appelé sa mère qui arrive avec Louis et son neveu. Mais les deux hommes ne veulent pas entreprendre de fouille, car comme dit Louis «si là-dessous il y a des coquins armés, il vaut mieux être prudent !». La mère Cantagrel lance un appel : «s'il y a quelqu'un de caché dans la grange, qu'il sorte sinon je vais chercher des volontaires !». Puis, comme on ne répond pas, elle court à la maison de Bermon pour trouver de l'aide. Mais il n'y a personne, et pendant ce temps deux hommes sont sortis de la paille : Antoine Saby et Jean-Pierre Purperti. Ils descendent si vite de la grange qu'en tombant dans l'étable ils renversent le tour à filer de Françoise Tenières. Purperti a ses culottes à la main en s'enfuyant. Insoumis ou déserteurs, ils ne peuvent par ce froid rester dans les bois.
25. Le méchant Michel (1795)
Quand Antoine Michel, voiturier de St
Geniez, sort du cabaret, il est passablement ivre. Il fait partie de ces
vauriens qui profitent de la Révolution. On le trouve facilement
pour aller perquisitionner chez les suspects. Ce jour-là, à
St Eulalie, il est seul dans la rue, armé d'un fusil et d'une épée.
Hébété, il s'appuie contre une porte qui s'ouvre sous
son poids. Antoine Michel bascule dans la maison des Girbal. Eulalie Girbal
est avec Marie Joly, la femme de Jean Costes. Furieux, l'ivrogne se jette
sur Eulalie et lui flanque des coups de poings et de pieds. Marie tente
de s'interposer : elle reçoit un coup de culasse de fusil dans l'estomac.
«Bougresse ! Vieille gousse !» lui hurle le fou furieux en
lui balançant son sabre dans la figure. Heureusement, Marie le détourne
du bras et c'est le plat du sabre qui tape sur sa bouche. Pendant que les
deux femmes sont à terre, complètement sonnées, Antoine
Michel défonce l'armoire et en tire un peu d'argent caché
entre deux draps . C'est Marianne Andrieu qui voit ça de la
fenêtre. Dans la rue on est très choqué; même
les plus "révolutionnaires" se révoltent contre de telles
pratiques. Le soir, les langues se délient : Jean-Pierre Brioudes
qui était la semaine dernière au village du Bruel a vu de
ses yeux Antoine Michel tirer un coup de fusil à un vieillard, pauvre
mendiant aux cheveux gris qui marchait sur le chemin avec sa besace sur
l'épaule. Il l'a tué, comme ça, pour rien. Ce soir-là,
sur la place, le commerçant Antoine Savy, enhardi par les réactions
du village, prend aussi la parole : «il est pas tout seul, le Michel
: il y a aussi les autres, les anciens membres du comité de surveillance
de St Geniez, Serre, Bonnaterre, Biron, Perou, le tonnelier Méjane,
ils sont venus chez moi, ils ont tué mes poules et mes bêtes.
Quand je leur ai demandé s'ils avaient un ordre ils m'ont traité
d'aristocrate, moi, d'aristocrate !». Ainsi, de bouche en bouche
on apprend les méfaits de cette sinistre bande, qui sont allés
jusqu'à St Chély pour rançonner et dévaliser.
Le lendemain, 16 mai 1795 à neuf
heures du matin, encouragés par le nombre, tous les témoins
se rendent à la maison commune pour faire leur déclaration.
Juillet 1795 : à Rodez et Toulouse
les prêtres prisonniers sont libérés.
Novembre : installation du Directoire.
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