Le premier Guillaume Combes (1642-1688)
 

5. Un jour de l'an 1652...

Guillaume revient des champs avec son père, il a 10 ans. Près de lui, ses frères portent les instruments de bois. Des habitants, penchés à leur fenêtre, interpellent deux moines mendiants qui passent sur le pont de Tresques : 
«- Restez dans vos maisons-Dieu, vous fatiguerez pas vos sandales...!
- C'est la mort que vous promenez au bout de vos bâtons...!»
Les nouvelles vont vite : à Rodez, un frère quêteur de l'ordre des Cordeliers est rentré au couvent avec de la nourriture infectée. Du coup, la peste a resurgi dans la ville.
Daudou hèle les habitants :
«C'est vous qui faites courir la peur ! Et elle, ses sandales sont solides, on peut pas les fatiguer...!»
Guillaume s'élance jusqu'à la maison pour demander à sa mère si la peste peut venir dans leur village. Catherine ne répond pas :
«- Va donc chercher du bois, que je n'ai plus rien pour tenir le feu !»

6. Le retour chez ceux d'en haut (1657-1680)

Dans la grange, la gifle a claqué comme un fouet, la jeune fille en robe grise ouvre violemment la porte et se retourne avant de sortir : « Je ne suis pas tienne, coufloro   ! » crie-t-elle. Un grand éclat de soleil éclaire maintenant Guillaume, assis dans la paille, qui se frotte la joue en jurant. Marguerite n'aime pas beaucoup ce chétif garçon de 15 ans qui se prend pour un coq de basse-cour. Aujourd'hui on danse et on chante : c'est le mariage de Pierre, le grand frère de Guillaume. A 28 ans il épouse Jeanne Lavigne. Un petit vin aigrelet barbouille les têtes et fait causer fort. Les filles ont les joues bien rouges et les garçons l'œil brillant. La maison étant trop petite, on s'est installé dans une grange, car pour l'occasion les Coste du Mas de Barthes sont descendus à Ste Eulalie, d'autres aussi, des cousins de Malescombes. On dit d'ailleurs que c'est le grand père de Guillaume qui est le premier Combes venu de Malescombes pour s'installer à Ste Eulalie. Il n'y a pas grande distance, juste trois kilomètres d'un petit chemin tortueux, mais ceux de "là-haut" revendiquent une certaine indépendance, d'ailleurs toute relative puisqu'il n'y a pas d'église à Malescombes et que la paroisse est celle de Ste Eulalie. Pierre Combes "daudou", le père de Guillaume, a quelques champs sur les hauteurs, presque rien, mais ça lui garde un lien avec la terre ancestrale de Malescombes.

La guerre entre la France et l'Espagne se clôt par le traité de Pyrénées (1659)
Louis XIV institue le conseil royal et gouverne personnellement la France (1661).

1661 : une épidémie de dysenterie frappe durement St Geniez et Ste Eulalie. Les deux villes si proches sont souvent liées dans le malheur. De nombreux enfants meurent en quelques jours.

 
Le successeur de Monseigneur :

Ce dimanche de fin avril 1662, les habitants de Ste Eulalie apprennent à la messe la nomination de leur nouvel évêque : Monseigneur Louis Abelli. En sortant, sur la place du Tarral les discussions sont vives :
«- On le verra peut-être un jour... le précédent, en treize ans il a jamais montré sa tête !
- Y fait plus chaud dans la chambre du roi que sur le causse !  ». Les curés, eux, sont souvent très proches de la vie paysanne. Celui de Ste Eulalie, Georges Carrié, habite derrière l'église dans une maison que son oncle, son prédécesseur en tant que prieur-curé, a fait construire à ses frais. Georges Carrié restera 37 ans curé de Ste Eulalie.
 
1664 : établissement des registres nommés "cadastres" pour permettre l'évaluation de la taille.
Les maisons, les prés, les vignes, les moindres biens sont énumérés et évalués pour que l'impôt puisse être appliqué.
Guerre de dévolution contre l'Espagne (1667-68). Prises de Lille et de plusieurs places fortes en Flandres. La guerre de Hollande (1672-78) mobilise 100 000 hommes et occasionne d'immenses dépenses qui s'ajoutent à la construction des châteaux de Versailles et de Marly. Pour trouver les finances Colbert impose de nouvelles taxes, instaure le monopole de la vente du tabac.

 
Le mariage de Guillaume :

Guillaume, benjamin de la famille, travaille avec un marchand de bestiaux qui lui laisse de plus en plus souvent la marche des affaires, pris comme il l'est par ses séjours dans les minuscules tavernes qui fleurissent à Ste Eulalie même. Mais le métier est difficile, les voyages pénibles par les chemins boueux et caillouteux, et Guillaume ne ressemble pas à ces rudes gaillards aussi solides que les bêtes qu'ils guident aux marchés. Aussi, c'est un soulagement pour lui quand, le 11 juillet 1673, il épouse Catherine Coste qui "fait" ses 21 ans. La fille est solide, le beau-père n'attend pas un marchand mais un paysan qui travaillera sur ses terres. Et ces terres-là sont à Malescombes le haut. Ainsi, Guillaume s'installe dans le village de ses ancêtres. Catherine apporte en dot quatre cent livres, un taureau de 5 ans, une robe de burat grise, un cotillon de raze rouge et d'autres choses bien nécessaires.
Quatre filles naîtront tout d'abord : Catherine, Raymonde, Jeanne et Marie.

1674 : convocation du ban et de l'arrière-ban en Rouergue pour lever des troupes, principalement parce qu'on craint que les espagnols ne viennent assiéger Bayonne.

7. Les fièvres malignes (1681-1690)

Au mois de juin 1681, à quatre jours de distance, Catherine Coste perd son père et sa mère.
Les années s'écoulent. Le couple Combes et les enfants passent "au travers" des maladies mortelles, pourtant Guillaume n'est pas bien solide. Ce qui le peine, c'est de ne pas avoir de garçon, aussi quand après quinze ans de mariage Catherine se trouve de nouveau enceinte, l'espoir renaît.
On attendait un garçon; eh bien, il naît le 28 mai 1688, mais son père Guillaume ne le verra pas : il est mort un mois plus tôt, à 46 ans. Des fièvres malignes et épidémiques font cette année-là des dizaines de morts sur les bords du Lot. Catherine prénomme l'enfant Etienne.
Une autre fièvre, celle-ci de guerre, saisit le roi de France Louis XIV. Il envahit le Palatinat, puis l'année suivante il déclare la guerre à l'Espagne et à l'Angleterre. Les campagnes de Flandres réclamant de plus en plus de soldats, on lève une milice pour la durée de la guerre qui s'éternise neuf ans. A Ste Eulalie les célibataires de 18 à 40 ans passent au tirage au sort. Heureux les Rouergats qui font moins de 1m 62 et qui sont exemptés. Les autres, ceux qui ont tiré le mauvais numéro, partent à la guerre ou fuient. Le nombre d'insoumis est important; on les sait dans la montagne ou plus loin, en Espagne.
En 1689 nouvelle levée de troupes pour la milice. Même chose en 1690 en 1694 et 95.

8. Le pain dur (1691-1727)

Après trois ans de veuvage et des enfants trop petits pour travailler aux champs ou à la cueillette, Catherine ne pouvait rester seule. Elle épouse André Lalo, un voisin. Elle n'a que 39 ans, ce qui ne l'empêche pas d'avoir une petite Françoise trois ans plus tard et un Jean Antoine alors qu'elle "frise" les 44 ans.
Deux ans encore et Catherine meurt.

En 1693-94 une grande famine sévit dans toute la France et fait plus d'un million et demi de morts.
1695 : la capitation est établie par un édit du 18 janvier  . On impose pour financer la guerre une somme variable suivant la situation de chacun.
 
 
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