Casimir Combes (1881-1914)
 

43. La guerre de Casimir et d'Henri Combes (1914-1916)
 


CHANT D'HONNEUR sans musique
"Petite chronique de deux soldats
dans la guerre de 14-18"

Redire la guerre ? A quoi bon ?

Les livres d'histoire ont déjà décortiqué par le menu les grands traits de cette Grande Guerre.
Plutôt : essayer de lutter (est-ce possible ?) contre l'oubli qui a englouti ces millions d'hommes. Toutes ces existences à peine débutées, cette immense naïveté (facile à dire pour nous !) des premiers jours, cette docilité aux folies des états majors (qu'aurions-nous fait ?) pendant les premiers mois...

Qui a gardé le souvenir de ces hommes ? Une génération d'orphelins qui s'est recueillie devant quelques photos ? Un monument aux morts ? Non seulement ils ont été jetés comme de la chair à canon dans la boue et le sang, mais pour clore le tout il ne reste presque rien dans nos mémoires de ce qu'ils ont été.

Alors, je me tourne vers deux de ces hommes...le premier, est mort 33 ans avant ma naissance, je n'en ai aucune photo, aucune lettre, aucun document. Simplement une ironique information :

«Ton grand-père est mort en 14 dans le lit d'une fermière», voilà le seul héritage de mémoire que je reçus de mon père. Indication étrange, destinée peut-être à perpétuer le souvenir d'un homme qui, en pleine guerre, profitait des douceurs de la vie. Le pittoresque de la race gauloise n'avait pas été éteinte par les combats, le "coq" meurt au champs d'honneur mais dans sa glorieuse destinée de séducteur. Pendant des années ces quelques mots me suffirent pour identifier cet homme que ni moi, bien sûr, ni mon père (orphelin à 2 ans) n'avions connu.
Je n'en savais pas plus sur lui, ni sur ceux qui l'avait précédé : aïeux du XIXe siècle et des siècles précédents, quand bien des années plus tard, je décidai de partir à la recherche de ce grand-père qui n'existait plus qu'au bord de ma mémoire. Au cours de cette enquête je rencontrai encore un autre homme, si proche de lui, comme on le verra. Mais le plus important, c'est qu'à travers eux je découvris une époque... un monde... je découvris bien plus qu'une obscure biographie : un océan d'humanité si forte, si vraie, si douloureuse... et le lit d'une fermière... sans la fermière.
 

CASIMIR

Vendredi 31 Juillet 1914

Jaurès écrit dans "l'humanité" :

« Le plus grand danger à l'heure actuelle n'est pas, si je puis dire, dans les événements eux-mêmes. Il n'est même pas dans les dispositions réelles des chancelleries, si coupables qu'elles puissent être; il n'est pas dans la volonté réelle des peuples; il est dans les impulsions subites qui naissent de la peur, de l'incertitude aiguë, de l'anxiété prolongée. A ces paniques folles les foules peuvent céder et il n'est pas sûr que les gouvernements ne cèdent pas. Ils passent leur temps (délicieux emploi) à s'effrayer les uns les autres et à se rassurer les uns les autres. Et cela, qu'on ne s'y trompe pas, peut durer des semaines.
C'est à l'intelligence du peuple, c'est à sa pensée que nous devons aujourd'hui faire appel si nous voulons qu'il puisse rester maître de soi, refouler les paniques, dominer les énervements et surveiller la marche des hommes et des choses, pour écarter de la race humaine l'horreur de la guerre... »

Le soir, au cours d'un réunion au café du Croissant, Raoul Vilain assassine Jaurès.

L'Empereur Guillaume II, empereur d'Allemagne, décrète l'état de guerre dans son empire.

« la préparation militaire de l'Allemagne n'est-elle pas très supérieure à la nôtre ?» écrit dans son journal personnel Raymond Poincaré président de la République depuis un peu plus d'un an.

Les Allemands ont 1500 canons légers et 2000 canons lourds, les Français, 300 canons lourds attelés,
les Allemands, 50 000 mitrailleuses, les Français, 2500, les Allemands 1500, avions, les Français, une centaine...

Samedi 1 Août

Mobilisation générale en France. A la fin de la journée les affiches sont déposées un peu partout dans le pays :

ARMÉE DE TERRE ET ARMÉE DE MER
ORDRE
de Mobilisation générale.
Par décret du président de la République, la mobilisation des armées de terre et de mer est ordonnée, ainsi que la réquisition des animaux, voitures et harnais nécessaires au complément de ces armées.
Le premier jour de la mobilisation est le dimanche 2 août 1914.
Tout Français soumis aux obligations de la loi militaire doit, sous peine d'être puni avec toute la rigueur des lois, obéir aux prescriptions du fascicule de mobilisation (pages colorées placées dans son livret).
Sont visés par le présent ordre
TOUS LES HOMMES
non présents sous les drapeaux et appartenant
1°) A L'ARMEE DE TERRE, Y compris les troupes coloniales et les hommes des services auxiliaires;
2°) A L'ARMÉE DE MER, y compris les inscrits maritimes et les armuriers de la marine.
Les autorités civiles sont responsables de l'exécution du présent décret.
Le Ministre de la Guerre.
Le Ministre de la Marine.

Ce même jour :
L'armée allemande entre au Luxembourg.
La mobilisation générale est décrétée en Belgique
 
  

Vue 1 (à imaginer soi-même) 

La gare de l'Est à Paris. Des centaines d'hommes en costumes d'été. Il y a des canotiers sur toutes les têtes. 

Il fait un temps magnifique. 
 

  Dimanche 2 Août

Sans déclaration de guerre,
les allemands font une incursion en France près de Longwy.
L'Allemagne adresse un ultimatum à la Belgique pour qu'elle lui accorde le droit de passage vers la France.

Lundi 3 Août

Le gouvernement belge repousse l'ultimatum de l'Allemagne.
L'ambassadeur d'Allemagne à Paris remet la déclaration de guerre de son pays.

Mardi 4 Août

Les troupes allemandes entrent en Belgique.
 

Jeudi 6 août

Le général en chef Joffre a décidé de mettre à disposition de la Belgique quelques éléments d'infanterie et de cavalerie.
 

Ce même jour, les Allemands entrent dans Liège.

Casimir se rend à la convocation nationale, à Paris même, dans l'unité désignée sur son livret militaire :

«Voilà ma première journée sous les drapeaux du 23e régiment d'Infanterie Coloniale. Le chemin pour arriver à la caserne Lourcine, boulevard de Port Royal, je l'ai fait en métro. Il y a beaucoup de monde dans les rues, mais tout est étonnamment calme. Depuis deux jours les Allemands sont en Belgique, mais ce matin la prise de la ville de Liège leur a coûté de grosses pertes. Le monde se secoue contre l'agression allemande, tout peut aller vite pour les arrêter, aurons-nous même l'occasion de combattre ? Le temps est magnifique. Ici, à la caserne, je suis si proche des miens et déjà si loin...Henri doit rejoindre son régiment à Amiens le 11, il a quelques jours de plus pour se préparer.»

Dimanche 9 août

«Départ ce matin vers les Ardennes. Nous venons d'apprendre qu'hier nos armées sont entrées dans Mulhouse.»

Lundi 10 Août

«Les nouvelles d'hier nous ont réconfortés, celles d'aujourd'hui sont moins drôles : les Allemands réoccupent Mulhouse.
Nous sommes près de la Meuse. Il y a quelque chose d'anachronique de voir ces milliers de soldats sous un beau ciel d'été sans que rien autour de nous ne ressemble à la guerre. Nous avons dans la compagnie des tourlourous désopilants. Robert imite un certain Raimu et même Jane Bloch la chanteuse bien en chair qui joue les colonels revêches. Le plus drôle c'est André, un natif de Romainville qui imite Bach :
«La soupe et l'bœuf
et les fayots,
ça fait du bien par où qu'ça passe,
La soupe et l'bœuf
et les fayots,
ça fait du bien dans les boyaux...»
 
 

Vue 2 

Un groupe de 4 soldats. Ils se tiennent par les épaules. Ils sourient. Trois ont la tête nue, leurs vestes ne sont pas boutonnées. Derrière eux, un corps de ferme. Il y a un autre soldat à la fenêtre, il fume la pipe en regardant le groupe. 
 

Jeudi 13 Août

«En apprenant qu'hier l'artillerie lourde allemande avait bombardé Pont-à-Mousson, nous avons été un peu secoués dans notre quiétude : la guerre n'est donc pas si loin. D'ailleurs cette attente commence à nous peser et notre petite vie militaire nous paraît dérisoire. La plupart d'entre nous a hâte de se trouver dans l'affrontement pour repousser l'ennemi et rentrer chez soi. Le régiment d'Henri (le 72e d'Infanterie) est proche de nous, à quelques kilomètres, je crois. Ce serait drôle de se croiser sur la route ! La semaine prochaine, Marie et les enfants iront au bord de la mer avec ses parents. Elle m'a promis une photographie de plage avec mon petit Maurice et ma petite Simone.»

Samedi 15 Août

«Les nouvelles sont contradictoires, nous passons notre temps au soleil à discuter. Sans les corvées et les tours de garde, nous pourrions nous croire en vacances. Le ciel est sans nuages.»

Lundi 17 août

Les derniers forts de Liège ont été enlevés par les Allemands, le siège du gouvernement belge est transporté à Anvers.

Mercredi 19 Août

Un ordre concernant la discipline est venu du Commandant en Chef Joffre : «...la discipline laisse grandement à désirer. Les hommes ont un laisser-aller et des allures débraillées intolérables, certains quittent leur colonne sans autorisation et sans qu'un ordre les y fasse revenir. Les voitures marchent sans ordre et à des distances qui allongent les colonnes d'une manière démesurée. On s'arrête dans les villages au risque d'interrompre toute circulation.»
«C'est vrai qu'il y a un incurable optimisme chez la plupart des soldats, une façon de prendre la vie et cette période si étrange, avec beaucoup de légèreté. Nous savons maintenant que les Anglais envoient de grosses troupes, combien de temps les Allemands vont-ils tenir ?
Pour l'instant, la guerre est en Alsace et en Belgique, et ni les Français, ni les belges ne se laissent faire.»

Vendredi 21 Août

«Il paraît que la situation est mauvaise pour nous en Lorraine, nos troupes se seraient repliées. Mais qui croire ? Les nouvelles arrivent ici très parcimonieusement et souvent dans la plus grande incohérence.
Hier l'armée belge a évacué Bruxelles qui est maintenant occupée.
Dès le matin, notre quiétude a été bouleversée par l'ordre de mouvement, mais personne ici ne s'en plaint. De bonne heure, départ pour la frontière belge, toute proche. La marche est pénible à cause de la chaleur. Nous sommes malgré tout contents de mettre la main à la pâte pour terminer cette affaire. Au passage, nous entendons le canon tonner sur Montmédy.»

Dimanche 23 Août, 6 heures du matin

«Nous sommes toujours en Belgique entre Chigny et Tintigny, mais plus pour très longtemps. Hier, le 17e corps a été surpris près de Bertrix et a retraité en désordre sur Bouillon en perdant plusieurs groupes d'artillerie et des milliers d'hommes. Dans le corps colonial, une de nos divisions a été pratiquement anéantie à Rossignol (à quelques kilomètres à vol d'oiseau), alors qu'elle avançait en ordre de marche mais sans aucune précaution particulière, c'est du moins ce que j'ai entendu dire.»

"l'offensive soudaine et violente" ordonnée par le Grand Quartier Général à la 3e et 4e armée s'est heurtée à la puissante artillerie lourde allemande installée depuis 15 jours sur les lieux. Les attaques répétées des régiments Français "à la baïonnette" a été un désastre, les mitrailleuses allemandes ont fauché des milliers de soldats en pantalon rouge, bien voyants sur leur ligne de mire.
Le bruit du canon est incessant. Nous avons vu passer pour la première fois des centaines de blessés terriblement touchés. En ce qui nous concerne nous avons été un peu préservés. Jusqu'à quand ?»

Lundi 24 Août, 20 heures

Les Français n'ont prévu aucune ligne de repli, aucune tranchée, aucune défense...

«Passage de la frontière en sens inverse. La marche a été pénible, d'autant que nous avons été violemment attaqués. Tout le corps colonial a beaucoup souffert et nous avons cédé du terrain sans arrêt. On vient de donner l'ordre de poursuivre le repli pendant la nuit, et nous devons couvrir les ponts d'Inor et de Martincourt sur la Meuse pour empêcher l'avance allemande.
Tous nos mouvements sont observés par les avions Allemands, quand aux nôtres, ils ne se montrent pas.»

Mardi 25 Août, midi

A 0 h 45 le général Joffre ordonne aux armées du Nord la retraite générale.

«La plupart des ponts ont été détruits. Les Allemands ne se sont par encore montrés sur la Meuse, mais nous entendons le bruit des canons tout proches. Je n'ai pas dormi la nuit dernière. Nous avons marché pour atteindre la Meuse. Les routes sont très encombrées, le déplacement de dizaines de milliers d'hommes et de matériel sur ces petites routes est particulièrement lent et difficile. Nous prenons quelques minutes de repos sur le bord de la route. Soins des chevaux qui tirent les voitures, soupe rapidement avalée, arrimage du matériel...nous repartons.»

Mercredi 26 Août

«Nous avons traversé la Meuse, nous sommes maintenant sur la rive gauche, après avoir détruit les ponts d'Inor et de Martincourt. L'ennemi n'est pas très loin derrière nous.»

Jeudi 27 Août au soir

«A neuf heures trente ce matin, nous étions en position dans la forêt de Jaunay, les Allemands ont passé la Meuse. Il y a eu une grosse attaque par Inor, mais les Allemands ont été rejetés de l'autre côté de la Meuse. Il parait qu'ils ont eu de fortes pertes et que deux régiments ont été détruits. De notre côté, la journée a été terrible. La deuxième division est épuisée, elle a reculé dans la forêt. Les pertes ont été très importantes à cause du tir intensif d'artillerie lourde des Allemands.
Ce soir, dans la nuit nous essayons de nous regrouper, c'est un mélange inextricable de troupes dans une grande confusion. Tous sont épuisés. Une terrible pluie a rendu toute action particulièrement pénible. Nous nous enfonçons dans la boue, nous glissons. Cette humidité atteint le moral.»

Vendredi 28 Août

«Nous sommes toujours dans la forêt de Jaunay. Les troupes sont très fatiguées et heureusement il y a eu peu d'attaques aujourd'hui dans notre secteur. Leurs grosses pertes de la veille n'ont pas incité les Allemands à recommencer aujourd'hui. Malgré tout, nous avons appris que le front cède en différents autres endroits et que l'ordre de repli va certainement arriver avant le soir. Ah, si nous pouvions dormir quelques heures ! Je me sens épuisé.»

Samedi 29 Août

«Nous sommes partis hier au soir dans la nuit pour la région de Savigny-sur-Aisne par Semide et par Vaux-en-Dieulet à 12 ou 15 kilomètres.
Ce soir notre arrière-garde sera à Boult-aux-bois. Encore 15 ou 20 kilomètres vers le sud-ouest... la retraite s'accélère. Depuis hier, je suis atteint d'une dysenterie violente à cause d'une mauvaise eau, mais comment choisir l'eau ?»
 
 

Plusieurs causes ont été invoquées pour expliquer la fréquence de la diarrhée dysentériforme chez les troupes en campagne. Il est évident que les variations thermiques brusques, les refroidissements, l'humidité dans les cantonnements, au bivouac et dans les tranchées, l'abus des fruits et des crudités, des conserves et notamment de la viande et du lard salés, une mauvaise eau de boisson, les émanations putrides, le surmenage, la dépression physique et morale, etc., retentissent, directement ou indirectement, sur l'appareil gastro-intestinal, en altèrent les fonctions et les tissus. Aussi constate-t-on que la diarrhée dysentériforme exerce surtout ses ravages parmi les troupes mal ravitaillées, qui vivent dans des tranchées humides ou des places affamées, qui font des marches pénibles ou battent en retraite.  
 

Dimanche 30 Août

Instruction générale du général Joffre du 25 août :

«...le mouvement des armées sera couvert par des arrière-gardes laissées sur les coupures favorables du terrain, de façon à utiliser tous les obstacles pour arrêter par des contre-attaques, courtes et violentes, dont l'élément principal sera l'artillerie, la marche de l'ennemi, ou, tout au moins, la retarder.»

«Dans la journée nous avons dû retourner un peu en arrière pour combattre un corps d'armée ennemi qui venait de Beaumont. Ce soir, nous sommes en cantonnement à la Croix-aux-bois, près de Vousier. Devrons-nous aussi passer l'Aisne ? L'éventualité que les Allemands atteignent l'Aisne effraie plusieurs d'entre nous.
Avec tous ces déplacements, aucun courrier ne peut nous atteindre depuis dix jours. Marie doit être inquiète. Je me traîne lamentablement, vidé, le ventre douloureux.»

Lundi 31 Août au soir

«Ce matin nous nous sommes levés très tôt après un bivouac où peu d'entre nous ont dormi. A cinq heures, nous étions déjà en place "aux Petites Armoises" face au bois de Sy. L'attaque a commencé à 7 heures. L'ennemi occupait la lisière du bois de Sy et tirait avec l'artillerie lourde vers Brieulles. Alors que nous étions bien partis pour l'offensive avec l'espoir de faire reculer l'avance allemande, nous avons vu notre mouvement arrêté cet après-midi. Nous avons abandonné le terrain occupé pendant la journée. Le mot de passe pour demain est : "Courage". Nous n'en manquons pas, mais sans nouvelle de la situation exacte de nos armées, l'espoir se fonde sur bien peu de choses.
Il faut arracher chaque pas à la fatigue. La résistance à l'épuisement est extraordinaire chez chacun de nous.»
 
Mardi 1er Septembre

«Notre repli a continué. nous sommes à 15 kilomètres plus au sud, à Moncheutin. Le passage de l'Aisne a été pénible. Il nous semble que rien ne peut arrêter l'avance allemande. On nous a expliqué que ce mouvement était nécessaire pour échapper à l'enveloppement de notre armée. Il parait que dans la 4e armée il y a déjà eu plus de 16 000 blessés en huit jours. Nous ne connaissons pas le nombre de tués, ni la situation dans les autres armées. Avant six heures du matin, nous sommes donc repartis de la Croix-aux-bois. La brume épaisse a rendu la marche très pénible pendant la matinée. Il paraît que les avions n'ont pu repérer l'activité allemande dans la région. Ce soir on nous octroie quelques heures de repos, mais nous devrons repartir aussitôt pour rejoindre Séchault. C'est à 7 kilomètres au sud ouest de Moncheutin. Il faut que le front soit bien en difficulté pour que nous soyons obligés de refaire encore quelques kilomètres ce soir. La dysenterie ne me laisse aucun répit, je suis étonné d'arriver encore à avancer.»

Mercredi 2 Septembre

«Il fait chaud, très chaud. La dysenterie m'épuise et il faut toujours marcher. La journée a été relativement calme jusqu'à 14 heures, puis l'ennemi a attaqué sur St Souplet, Ste Marie et Somme-Py. Vers 17 heures, le combat s'est ralenti.
Une indiscrétion nous a appris que dans le Corps Colonial l'effectif d'infanterie a été réduit de moitié en une semaine. Beaucoup de camarades sont tombés.»

Par crainte de l'arrivée des troupes ennemies à Paris, dans la nuit, le gouvernement, les parlementaires et le président de la République s'embarquent pour Bordeaux.
 
 

Journal du Président Poincaré :  

«Tout concourt à me donner l'impression lugubre d'un exode officiel, affranchi de tout protocole, mais soumis en revanche, à une discipline militaire. Le train siffle, timidement. Nous partons, le cœur serré. Mes yeux restent obstinément attachés sur les formes vagues de la ville endormie. Le train nous emporte et, dans la nuit, sa marche est constamment ralentie par les passages de troupes qui montent vers le Nord ou par des convois de blessés qui descendent dans l'autre sens...» 
 

Jeudi 3 Septembre

Le général Galliéni affiche dans Paris «qu'il a reçu l'ordre de défendre Paris contre l'envahisseur, et qu'il remplirait jusqu'au bout ce mandat.»

«La journée a été relativement calme mais nous défendons maintenant des positions encore plus au sud : la route entre Ste Menehoulde et Châlon. Il y a eu de simple escarmouche. Je suis complètement épuisé. Nous n'avons pas mangé depuis hier.
L'exode des populations continue, les émigrants se dirigent surtout vers St Dizier. Le nombre de ceux qui ont emprunté les voies suivies par le corps colonial peut être fixé sans aucune exagération, à plus de mille voitures. Cet encombrement des routes rend nos mouvements très lents. J'avance dans un brouillard douloureux, les yeux mi-clos, à chaque pas je manque de tomber.»

"Chemin de l'aube"
Tentative de reconstitution

Nuit du 3 au 4 Septembre

Avant la fin de la nuit, les troupes sont reparties. Pour faciliter les marches et diminuer la fatigue des troupes, les instructions sont les suivantes, : "Préparer très soigneusement les itinéraires de colonnes, ne pas dépasser par colonne l'effectif d'une division en infanterie. Prendre des distances entre les principaux éléments de chaque colonne. Alléger l'infanterie de ses sacs au moyen de voitures réquisitionnées sur tout le parcours."
 
Le 23e régiment d'infanterie coloniale se replie par Auve. Casimir est tellement épuisé, qu'il ne peut plus marcher. Il est transporté sur une voiture tirée par des chevaux ou sont déjà allongés quelques blessés ainsi qu'un amoncellement de sacs.

A la sortie du village d'Auve, la route passe devant l'église qui est à gauche. La route monte légèrement, toute droite, puis atteint un petit bois.

Cinq kilomètres plus loin, après une heure de marche :
  

Vue 3 
La longue rue d'un village. Les volets des maisons sont clos. Entre deux maisons on distingue une charrette attelée et deux femmes qui terminent de charger des bagages. Elles ont un fichu sur la tête et une blouse. Un enfant est déjà assis sur la charrette. 
 
  Le jour se lève en arrivant à Herpont, la troupe prend à gauche la rue qui traverse le village. La route s'incline à droite, puis passe un petit pont.

Cinq kilomètres et demi encore plus loin, après une autre heure de marche :
Des champs
à perte de vue,
à peine de petites collines pour modeler le paysage.
La route est droite, les arbres rares.

Traversée de Varimont, il est plus de six heures du matin. Au bout du village, l'église est à droite sur un léger promontoire, la route prend carrément à gauche. Tout de suite, il y a un pont très court sur la Yèvre. Passé le pont, la route continue à droite en longeant la rivière.

Deux kilomètres encore, vingt minutes de marche plus loin :
 

"Drame" (sans acte)

Tentative de reconstitution
 

Les arbres laissent passer des jets de lumière sur la troupe.

Casimir (un rayon de soleil sur les yeux) - J'ai soif !

(la roue du chariot grince, un soldat qui marche à côté se tourne : )

Un soldat - Casimir ! (A un autre soldat qui marche plus avant : ) Il a pas l'air d'aller du tout !

L'autre soldat (A un sous-officier placé à la hauteur de l'encolure des chevaux : ) - Sergent !
Il va très mal, il faudrait lui donner quelque chose de chaud...

Le sergent (montrant sur la droite, un peu plus loin, un bâtiment : ) - Il y a une grosse ferme, va appeler quelqu'un !

(Le soldat, d'un pas rapide va vers le bâtiment, hésite au milieu de la cour entre deux portes, avance vers celle de droite. Une femme d'une quarantaine d'années, coiffée d'un chignon un peu défait, sort. Elle échange quelques mots avec le soldat puis rentre dans la maison.
Le soldat revient en courant vers le convoi qui est maintenant à la hauteur du bâtiment.)

Le soldat - La meunière arrive avec du jus.

(La voiture s'est arrêtée. Plusieurs soldats en profitent pour s'asseoir sur le talus. Le reste du régiment continue sa marche, la route s'incline vers la droite juste après une grange. Le village est tout proche.
Au milieu des bruits de pas, du claquement des sabots des chevaux on entend un son régulier : la bâtisse est un moulin sur la Yèvre. La porte s'ouvre, la femme au chignon vient rapidement avec une cafetière dans la main droite et un bol dans la main gauche. Elle s'approche de la voiture et vois un corps allongé, la tête sur un sac).

La meunière - Tiens mon gars, boit ça, c'est bien chaud...

(Casimir ne bouge pas. Le soldat qui est à côté de la femme le secoue doucement : )

Le soldat - Il s'est endormi...

(La femme, qui avait versé le café dans le bol penche la tête vers l'homme allongé : )

La meunière - Je ne crois pas, mon petit...

Le soldat - Il est mort ?

La meunière - Rien n'est plus sûr.

(Un temps. Elle donne le bol au soldat qui boit sans attendre. Un officier à cheval s'approche de la voiture)

L'officier - Qu'est-ce que vous faites ? Il est interdit de s'arrêter ! Vous bouchez la route !

Le sergent (qui était resté un peu en retrait : ) - Mon lieutenant, il y a un homme qui vient de mourir...

L'officier - On ne peut pas le transporter tout le jour, il faut le confier aux habitants...Il sera enterré ici. Où sommes-nous ?

La meunière - A Somme-Yèvre.

L'officier - Alors, soyez gentille de vous charger de ça. Vous autres, descendez cet homme du chariot.

(Un soldat monte sur la voiture, au autre au sol prend le haut du corps)

Le sergent ( A la meunière : )- Où peut-on le mettre ?

La meunière (Indiquant avec sa cafetière le bâtiment de gauche dans la cour : ) - Posez-le dans la grange, là bas. Mais, dites-moi comment il s'appelle...

Le sergent (Pendant que les hommes qui ont descendu le corps le porte vers la grange : )- Je vous l'écrit sur ce papier. (Un des soldats lui tend un livret qu'il prend dans la poche du mort.
Le sergent attrape le livret, puis sort un cahier de son sac, le pose sur le bord de la voiture, prend un crayon dans sa poche et écrit. Puis, il tend le papier à la meunière qui, sans rien dire va vers la grange. Elle croise les deux soldats qui reviennent vers le convoi pendant qu'on entend des ordres donnés par le sergent. Crissement des roues. Les chevaux se remettent en route.)

Toute la journée des troupes passent devant le moulin. La meunière a rassemblé des affaires sur une charrette dans la cour, sur une autre charrette plus petite on a posé le corps du soldat. Deux paysans sont là. Il est deux heures trente de l'après-midi.

Une demi heure plus tard, dans la petite mairie à l'autre bout du village, juste après la place, monsieur Piat écrit :

«Le 4 septembre 1914, à sept heures du matin, Casimir Jean-Pierre Combes né à St Jean et St Paul (Aveyron) le dix neuf juin mil huit cent quatre vingt un, caissier, soldat au vingt troisième régiment d'infanterie coloniale, domicilié à Paris, rue Orfila numéro trente neuf, ou à Pavillons sous bois route nationale, numéro deux cent soixante quatre, fils de Pierre Combes et de Marie Veyres est décédé..».

Le maire (A la meunière qui est resté debout près de la fenêtre et qui regarde les troupes passer) - De quoi est-il mort ?

La meunière (Après un instant de réflexion : ) - D'inanition...oui, il est mort d'inanition le pauvre...

Le maire continue à écrire : «est décédé d'inanition chez madame veuve Parmentier Alexandre, née Herbillon Marie Louise, meunière à Somme Yèvre.
Dressé le quatre septembre mil neuf cent quatorze...»

Le maire relève la tête, regarde la pendule, puis se remet à écrire :
«trois heures du soir, sur la déclaration de Charles François Villaire...»

Le maire (Se tournant vers un homme assis un peu à l'écart : ) - Quel âge fais-tu ?

L'homme - Cinquante neuf !

Le maire écrit de nouveau : «Charles François Villaire cinquante neuf ans et de Emile Auguste Wadée...

Un autre homme debout près de la porte - Cinquante ans.

«cinquante ans, tous deux cultivateurs à Somme-Yèvre, lesquels, lecture faîte, ont signé avec nous, Victor Eugène Arthur Piat, maire de Somme-Yèvre.»

Le maire signe, tourne le cahier sur sa droite, les deux hommes s'approchent et signent.
 
 

Casimir Jean-Pierre Combes,  
soldat de 2e classe au 23e Régiment d'Infanterie Coloniale,  
mort pour la France le 4 septembre 1914 à Somme-Yèvres 
 
 
HENRI
 

En recevant de la mairie du XXe arrondissement de Paris la photocopie de l'acte de mariage de mon grand-père Casimir Combes, je découvris parmi les témoins «Henri Combes, frère de l'époux» avec la mention de son âge. Jusque là, je n'avais jamais su que mon grand-père avait un frère. De son vivant, mon père ne m'en avait pas parlé. Pourquoi ? Où était-il né ? Je partis dans de nouvelles recherches. Peu à peu son existence prit corps, je découvris qu'il s'était marié et que, comme Casimir il avait été mobilisé pour ce monstrueux carnage de 14-18. La photocopie de son livret militaire me donna des indications sur son unité, puis, je lus une partie de l'historique de son régiment. De fil en aiguille, je me retrouvais sur ces champs de bataille, jusqu'à l'horrible tranchée où il avait trouvé la mort. Le plan même des tranchées du secteur ce jour fatal était imprimé dans les archives de l'armée. Mon père ne m'avait pas parlé de lui, certainement parce qu'il ne l'avait pas connu et que la famille avait presque complètement disparu dans ces années terribles.
Curieusement je ne sais rien de sa vie avant le 5 septembre 14, le lendemain de la mort de son frère. Mais à partir de là, je peux reconstituer parfois jour par jour et même dans certains cas heure par heure ce qu'il a vécu...

Samedi 5 septembre

Côte à côte du corps colonial où servait Casimir se trouve le 2e corps d'armée dans lequel combat le 72e régiment d'infanterie. Henri Combes est soldat dans ce régiment. La retraite s'est poursuivie pour lui jusque derrière l'Ornain et le canal de la Marne au Rhin. Le régiment est près d'Aliancelles.

Dimanche 6 septembre

La poussée allemande continue sur ce secteur. Le 72e défend la petite ville de Pargny. Pendant plusieurs heures un terrible bombardement l'accable : le clocher de l'église est tronqué par un obus, la toiture s'écroule avec les voûtes. Le reste du bourg est complètement détruit. Les hommes, abrutis par le bruit doivent bientôt faire face à une attaque par le nord et par l'ouest. Les soldats se battent derrière chaque pan de mur.
A quelques kilomètres l'ennemi prend Aliancelles mais butte sur Remennecourt et Pargny.

Lundi 7 septembre

Les combats sont d'une violence extrême . Le 2e Corps perd Etrepy, mais l'artillerie résiste entre Pargny et Maurupt.
Le régiment d'Henri quitte Pargny et atteint les grands bâtiments de la Tuilerie qui risque être abandonnée par l'artillerie française, malgré sa position essentielle à la défense de Maurupt. Le combat est particulièrement violent, de nombreux soldats tombent pour la défense des bâtiments. Mais bientôt, le 72e doit franchir le vallonnement entre la Tuilerie et Maurupt pour se réfugier dans le village.
Le régiment fortifie rapidement sa position.

Mardi 8 septembre

Les attaques sont terribles pendant toute la journée. L'avancée allemande peut les amener à contourner les troupes françaises, à les encercler et à briser les liaisons entre les différents corps. A 17 heures les Allemands entrent dans Pargny, ou plutôt dans ses ruines, après de grosses pertes. La Tuilerie est prise. Tout près, l'ennemi sortant des bois, entre dans Maurupt. Dans ce combat violent l'hôtel de ville est détruit, l'église romane a sa flèche brisée et sa tour éventrée, bientôt la toiture s'effondre.
Après un effort vigoureux du 72e les Allemands doivent se retrancher dans les bois d'où ils étaient sortis.

Mercredi 9 septembre

Les Français regagnent du terrain entre Maurupt et Pargny, reprennent la Tuilerie. La poussée ennemi faiblit un peu.

Jeudi 10 septembre

Au cours de la nuit les attaques reprennent. Maurupt et les bois avoisinants sont soumis à un bombardement intensif. Dès le matin, les rues de Maurupt sont livrées à un combat acharné. Les Français reculent, perdent la place, puis, une heure après regagnent le terrain. Des centaines de morts se mêlent aux ruines. Les Français sont de nouveau chassés des bâtiments de la Tuilerie. Les Allemands prennent le petit village de Le Montois tout près. Ils peuvent ainsi réattaquer Maurupt de front et à revers.
A 11 heures la garnison du village craint d'être cernée. Le 72e reçoit alors l'ordre d'évacuer la ville pour se reformer vers Cheminon, dans les bois, en arrière.
Ce sont les premières heures d'un court repos après ces jours meurtriers. Les restes du régiment se réorganisent quelque peu. Avant même la fin de la nuit il faut reprendre l'offensive.

Vendredi 11 septembre

Le 2e corps et le 72e mènent une attaque violente pour reprendre le terrain perdu la veille. Les Allemands résistent, puis, peu à peu décrochent de leurs positions. Ils perdent Maurupt, Etrepy, Pargny, Sermaize.

Le soir, le régiment a atteint de nouveau le canal de la Marne au Rhin. Malgré l'épuisement, le moral résiste : depuis plus de 15 jours on reculait, aujourd'hui l'avance a été sensible.

Les jours suivants...

On commence à parler de la "victoire de la Marne".
Le 12 septembre, le colonel Monterou prend le commandement. Le régiment part à la poursuite des Allemands.

Le 14, à Ste Menehould, la 4e compagnie appuie l'attaque du 188e régiment sur St Thomas, le 1er bataillon entre dans Servon et le lendemain fait évacuer Servon au trois quart cerné par l'ennemi. Le 2e bataillon attaque avec succès Binarville mais il est arrêté par le feu. La résistance allemande se révèle extrêmement solide alors que depuis deux ou trois jours les français croyaient avoir brisé l'élan ennemi et courir vers une victoire.
Le formidable sursaut Français ne peut aller plus loin. Maintenant, l'ennemi fixe ses positions : la violence de l'avancée a coûté très cher en hommes.

La guerre de mouvement se termine, la guerre de position va commencer. Toutes les troupes, allemandes et françaises creusent des réseaux de tranchées. 4 millions d'hommes vont se trouver face à face sur un front de 850 kms.

Le 30 septembre et le 1er octobre 1914 le 2e bataillon détaché de la 4e division défend la ville du "Four-de-Paris".

Henri est cité à l'ordre du Corps d'armée.

On apprendra après la guerre que les 40 premiers jours de combat avaient coûté la vie à 310 000 Français et que 300 000 autres avaient été blessés.

Automne en Argonne

Du 2 octobre jusqu'au 11, "le 1er bataillon commandé par le capitaine Martel, dans ses positions du bois de la Gruerie en avant de St Hubert subit un bombardement terrible et de nombreuses attaques d'infanterie sans céder de terrain."

Le mauvais temps de l'automne accompagne les longues stations dans les tranchées, dans l'anxiété d'attaques localisées, dans le bruit parfois continu des tirs. La vermine s'attache à la peau quand il est impossible des semaines durant de se laver le corps. L'intendance n'avait pas prévu la prolongation des combats jusqu'aux périodes froides, aussi l'équipement des soldats est très insuffisant. Avant que cette erreur soit corrigée, les soldats souffriront beaucoup de l'humidité et du froid précoce.

"Le 3 novembre, la 6e compagnie envoyée en soutien d'un bataillon d'infanterie coloniale entre St Hubert et Le Four-de-Paris coopère brillamment à la reprise de tranchées momentanément perdues et de 2 mitrailleuses.

Du 24 au 29 novembre dans le secteur de La Fontaine aux Charmes, les Allemands attaquent avec acharnement. Le 72e garde ses positions, ne perdant que quelques éléments de sa première ligne, en grande partie bouleversée par les mines.

Le 30 décembre, au nord de Vienne-le-château les Allemands attaquent.

Le régiment placé à droite du 72e perd pied. Le 3e bataillon du 72e (bataillon de droite) menacé d'être contourné, recule.

Le lendemain, et jusqu'au 2 janvier, l'action très vive se poursuit."

Henri est cité à l'ordre du Corps d'armée le 12 janvier 1915 avec le texte suivant : «a fait preuve de beaucoup de courage et d'entrain en allant placer des réseaux de fils de fer sous le feu des Allemands.» Notons que le fil de fer Français à cette époque n'était pas encore "barbelé" et qu'il manquait d'efficacité pour arrêter les attaques ennemies.

Le 14 et 15 Janvier le 72e quitte l'Argonne pour être mis en grand repos.
 
 
Rapport du Lt-colonel Mignon Commandant le 72e R.I. 
De septembre 1914 à janvier 1915 le 72e R.I a tenu, dans la forêt d'ARGONNE les positions du Bois de la GRUERIE qu'attaquait sans trêve l'armée du Kronprinz Impérial. En face de lui des troupes aguerries, pourvues de moyens matériels puissants; de notre côté presque pas d'engins de tranchée, peu de mitrailleuses, une artillerie obligée à l'économie des munitions et comme théâtre du combat une forêt, accidentée, touffue, dont le sol argileux se détrempait à la moindre pluie. Tel a été pour le 72e le rude apprentissage de la guerre de tranchée. Les pertes de combat comme les pertes par maladie furent effroyables. Mais lorsqu'en janvier 1915 le 72e fut mis au grand repos, le général en Chef le félicita. Les Allemands, dans l'Argonne, n'avaient pas passé.  
 
  

Lettre de Marc Bloch, sous-officier au régiment de réserve du 72e (le 272e) à Etienne Bloch  
La caractéristique de l'Argonne a été la proximité des deux lignes de tranchées opposées. En même temps les difficultés de vues (sous bois) et par suite la lutte pour les observatoires. Au début des deux côtés, je crois, mais surtout, malheureusement du nôtre, on attachait trop d'importance à ne pas perdre un pouce de terrain, à reconquérir quelques mètres perdus; on mettait beaucoup trop de monde en première ligne. On a comme cela fait tuer énormément de monde, très bêtement. Guerre d'engins de tranchées (obusiers), de grenades, de mines. Au début pas de boyaux de communication suffisants, pas d'abris. Beaucoup d'hommes tués seulement en se déplaçant (corvées de soupes, liaisons, etc.). Cela a changé peu à peu en 15. Les combats de la Gruerie, en 14, insignifiants par leur portée stratégique ont été parmi les plus sanglants de la guerre. Le général commandant le 2e corps dont nous dépendions a fait massacrer des hommes, inutilement.  
 
  A Vayres-sur-Marne Henri retrouve Louise.
 
 
Vue 5 (Photo destinée à Casimir et qui n'a pas été envoyée. Elle est encadrée et se trouve sur le buffet, chez sa veuve.) 

Une plage sur les bords de la Manche.  
Quelques tentes de plage très espacées. Des maisons dans l'arrière plan. Devant un groupe d'une douzaine de personnes. A gauche : une femme et un homme d'une soixantaine d'années assis sur des pliants. La femme a un tissu sur la tête et ne regarde pas l'objectif. L'homme a les jambes et les mains croisées, il regarde droit le photographe, sans sourire. Derrière eux : un couple est de trois quart. Au centre est assis un groupe de femmes et d'enfants. Une des femmes est encadrée d'une fillette d'environ cinq ans et d'un garçon qui n'a pas plus  
de deux ans. Ambiance triste. 
 

Il va aussi à Pavillons-sous-bois chez ses parents, rend visite à Marie, la veuve de son frère. Le petit Maurice et la petite Simone jouent en silence.

Assis à la table de la cuisine, il lit dans le journal qu'en Argonne le terrain est épouvantable, que les tranchées sont des ruisseaux de boue et que l'inadaptation des vêtements et du matériel pèse lourdement sur la vie des soldats.
A distance, Henri mesure l'impact des nouvelles du front, les nombreux succès dont on oublie de signaler les revers. La stagnation n'est pas spectaculaire. Vu du journal "l'illustration" les combats semblent plus propres. Henri n'ose pas parler de l'horreur, des membres coupés, des visages défigurés, des corps qui pourrissent des jours durant. Henri ne veut pas que sa femme et ses parents se rongent encore plus d'inquiétude. Déjà son frère est mort, déjà le tissu noir se porte en abondance. Les autres soldats en permission sont eux aussi sobres de détails.

Printemps 1915 : l'offensive en Champagne

En Février et Mars 1915, Henri va participer à la première offensive en Champagne.

"Le 22 Février, au nord de Mesnil-les-Hurlus, le 2e bataillon attaque les tranchées allemandes du bois «Jaune brûlé». Il part avec vigueur, progresse fortement, mais, subissant des pertes cruelles, ne peut atteindre les tranchées allemandes très éloignées des tranchées de départ". Une compagnie de 250 hommes peut être réduite à dix ou vingt après une course de 200 mètres. En quelques minutes le terrain se couvre de morts et de blessés qu'on ne peut souvent pas transporter sous le feu ennemi. Il faut attendre des heures, parfois des jours pour tenter, dans le brouillard ou l'obscurité de partir secourir un homme et le traîner vers la tranchée. Des cris et des gémissements résonnent dans le silence des nuits.

Le lendemain, le 30e bataillon attaque et prend pied dans la partie méridionale du Bois brûlé (forêt d'Apremont).

Le 24 Février, nouvelle attaque, nouveaux progrès surtout pour les 12e et 16e Compagnies.

Encore du terrain gagné le 25. Sous le feu le régiment organise son front. Il est relevé dans la nuit.

Dans les premiers jours de mars, des tempêtes de pluie et de neige se déchaînent sur les zones de combat rendant toute action difficile et surtout dangereuse. Des hommes ont les membres gelés.
 
 

Les grandes batailles actuelles se distinguent par leur longue durée, qui peut dépasser plusieurs semaines, et par l'emploi continu de projectiles à grande capacité et d'explosifs, qui donnent lieu à des détonations formidables et incessantes. A cela viennent s'ajouter, comme autrefois, mais avec une intensité singulièrement accrue, l'émotion propre au combat, le bruit crépitant de la fusillade, les cris déchirants des blessés. Il y a donc là un ensemble de conditions qui doivent exercer une impression profonde sur le système nerveux. 
Mais il faut tenir compte, en outre, de plusieurs autres circonstances. Dans le combat offensif ou en retraite, en raison de l'importance des feux, les formations sont ouvertes, c'est-à-dire que l'homme est séparé de ses voisins par un intervalle plus ou moins grand et livré presque à ses propres forces et à son initiative personnelle, principalement quand les pertes sont importantes; il n'a donc plus le coude-à-coude et Ia confiance qu'il procure; il lui faut constamment se coucher, ramper, utiliser intelligemment tous les couverts, bondir, tirer, parfois même combattre à l'arme blanche. Il se trouve donc dans un état perpétuel de tension nerveuse extrême, qui, chez les prédisposés ou les sujets affaiblis par les marches, les privations, les intempéries, peut dépasser les possibilités fonctionnelles de l'individu et créer un état particulier d'inhibition ou d'impuissance des fonctions mentales. Dans le combat défensif, quand le soldat se cramponne au sol ou à des tranchées, exposé aux feux des plus puissantes artilleries, avec l'incessante perspective de la mort, dont il n'est pas distrait par le mouvement, il éprouve plus vite encore l'inhibition, développée alors surtout, semble-t-il, par le bruit assourdissant et répété des détonations, dont chacune vient ébranler fortement le système nerveux. Cet ébranlement. qu'accompagne la série des émotions violentes qui s'y rattachent, détermine bientôt une sorte d'indifférence d'abord, - indifférence qui n'a rien à voir avec la bravoure, la résolution ou le stoïcisme, car elle est purement passive et comme animale, - puis l'hébétude et d'abrutissement, qui rend le sujet inerte et totalement incapable d'aucun acte effectif.  
 

"Le 5 Mars, puis dans la nuit du 5 au 6, le régiment donne l'assaut aux tranchées allemandes au nord-est du Mesnil. Il avance et organise le terrain, mais malgré le courage des troupes et des chefs, ne peut atteindre les objectifs désignés."
 

L'offensive de Champagne aura coûté en un mois aux Français 69 000 morts et 171 000 blessés.
 

Avril 1915 : dans la boue de Verdun

Dans le cours du mois de mars, le 72e est transporté un peu plus loin, dans la région de Verdun.
Le 6 avril, une attaque est lancée à l'ouest de Riaville dans les boues de la Woëvre
Le 7, l'attaque se poursuit. "Elle n'aboutit pas à la conquête des tranchées allemandes, mais atteint l'objectif essentiel marqué par le commandement, qui était de fixer les troupes ennemies sur ce point et de permettre notre progression en d'autres lieux."
 
 
«Le 22 avril, un rapport d'aviateur signale qu'une fumée jaune avait été aperçue de place en place entre Bixschoote et Langemarck, dans les tranchées allemandes. Vers 5 heures du soir, un épais nuage de vapeurs lourdes, d'un vert jaunâtre, sortait des mêmes tranchées et, poussé par la brise, arrivait sur les lignes suivi par des contingents ennemis qui s'avançaient en tirant des coups de fusil. 
Nos hommes ressentirent immédiatement des picotements et une irritation intolérable dans la gorge, le nez et les yeux, ainsi que des suffocations vioIentes et de fortes douleurs dans la poitrine, accompagnées d'une toux incoercible. Beaucoup tombèrent pour ne plus se relever. D'autres, essayant vainement de courir, durent, sous les balles et les obus, se replier en titubant, en proie à des souffrances cruelles et pris de vomissements...un certain nombre d'entre eux, malgré les soins qu'on leur prodigua, ne tardèrent pas à succomber aux suites d'accidents pulmonaires causés par l'asphyxie.» (l'Illustration N°101) 
 

L'usage des gaz par les Allemands vient de commencer.

"Du 17 au 28 avril, le régiment occupe la crête des Eparges. Il rectifie sa ligne par des attaques partielles et des travaux de sape effectués sous un bombardement presque continu. Il subit de nombreuses attaques allemandes et contre-attaque énergiquement. Les pertes sont très lourdes. Le 72e descend au repos en laissant un secteur presque intact (un seul élément de tranchée perdu) et complètement réorganisé."

Le 27 avril 1915, Henri est cité à l'ordre de la Division.
 

Fin 1915, début 1916 : la Somme avec le 272e R.I.

Après un temps de repos, Henri est affecté dans la Somme au 272e régiment d'infanterie, 5e brigade, 3e Division, 2e Corps d'armée de la 10e armée commandée par le général Micheler.
 

Le 13 octobre Henri est nommé sergent, le 1er novembre il est cité à l'ordre du Corps d'armée.

Le 23 février 1916 meurt la petite Simone, sa nièce. Henri est dans les tranchées. Trois semaines plus tard il accomplit une nouvelle action d'éclat :
Citation à l'ordre de l'armée du 13 Juin 1916 : «Sous-officier remarquable par son courage, son entrain et son esprit de décision. Volontaire pour toutes les reconnaissances dangereuses. Au cours du coup de main du 15 mai 1916, alors que ses chefs venaient d'être mis hors du combat a pris le commandement du détachement et a rempli la mission qui lui était confiée. Déjà trois fois cité à l'ordre du régiment.»
 

Été 1916 : la bataille de la Somme

La pression sur Verdun étant devenue très forte, le Haut Commandement met en place une grande offensive franco-britannique qui sera appelée la "bataille de la Somme". Destinée à dégager Verdun, à soutenir les Anglais qui combattent dans cette région et à briser le front de la IIe armée allemande, cette offensive est préparée avec d'énormes moyens.
Après 7 jours de préparation d'artillerie intensive ou, dans certains endroits plus de 500 obus tombent en moins d'une demie heure, les combats débutent le 1er juillet 1916 entre les villes de Chaulnes et Albert.
Au sud de la Somme, là où se bat le régiment d'Henri, l'avance française est rapide jusqu'au 10 juillet. Une nouvelle attaque générale est déclenchée le 20 juillet avec peu de résultats. Soyécourt est pris par les Français.
  

Vue 6 
Photo d'un village entièrement détruit. A peine quelques pans de murs se dressent ça et là. Les habitations sont méconnaissables. La rue est déserte, des pierres jonchent le sol, des débris d'une charrette aussi. On voit le cadavre d'un animal, cheval ou âne sur la chaussée défoncée. Au premier plan : un homme. C'est un vieux paysan courbé qui porte un sac informe. Il ne s'est pas arrêté, il regarde l'objectif en marchant. 
 
  Le mois d'août est extrêmement pluvieux, la terre est détrempée,
les mouvements sont non seulement très difficiles mais plus dangereux qu'auparavant. Devant la fatigue des troupes et l'énorme quantité de munitions déjà consommée,
les opérations sont ralenties.
Le Haut Commandement décide une nouvelle offensive. Elle est prévue dans les tous premiers jours de septembre 1916 et mobilisera des forces importantes.

Henri, dans la 3e  division est en position à Belloy-en-Santerre près de Péronne.

Le 3 septembre arrivent les instructions pour le lendemain :

SECRET
Ordre général d'opération n° 68 pour le jour J.
- Le 2e corps d'armée, avec les Divisions d'infanterie qui lui sont rattachées,
attaquera le jour J, à l'heure H...
- Les divisions attaqueront dans les zones d'action qui leur sont assignées, en vue de s'emparer du premier objectif fixé, savoir : tranchées Maus, Ste-Fine, des Hures, Tahure, du Poivre...
Cet objectif atteint par bonds, les divisions s'y installeront de façon à assurer la possession définitive de leur conquête. Puis, en vue de se rapprocher des objectifs suivants et si les résultats de la préparation d'artillerie le permettent, elles pousseront leurs avances :
...
- la 3e D. I., sur le bois et la tranchée de Damloup
et l'intersection de la grand-route avec le chemin Barleux, Horgny;
 - L'attaque s'élancera très exactement sur tout le front à l'heure H précise,
sans qu'il soit fait de signal par fusées ni clairons.
On évitera tout ce qui pourrait faire éventer l'attaque; on abordera les tranchées ennemies par surprise, d'un bond, pour v arriver avant que la fumée et la poussière soient dissipées.
Le réglage des montres sera minutieusement vérifié...
Artillerie.
Jusqu'à l'heure H, la préparation d'artillerie sera continuée sans arrêt avec la plus grande intensité, avec rafales de 75 pour faire cacher les guetteurs,
mais sans qu'il soit apporté de modifications à la cadence générale du tir.
De 6 heures à 9 heures, il sera effectué des tirs à obus spéciaux sur les zones arrières,
abris et batteries de l'ennemi...
Les tirs de brèches et de démolition, continués sur les 1ères, et 2es lignes pendant les tirs à obus spéciaux, reprendront avec tous les moyens dès la fin de ces tirs.
On ne perdra pas de vue qu'il s'agit d'abord de franchir la première tranchée et ses soutiens. On recherchera donc le maximum d'effet sur la première ligne ennemie et sur la deuxième ligne, sans négliger l'ensemble des premiers objectifs.
A l'heure H et à partir de cette heure, au fur et à mesure de la progression :
a) les tirs de destruction seront reportés sur les lignes suivantes
et se poursuivront ainsi sans arrêt;
b) les tirs de protection et de barrage précéderont l'infanterie à 150 m.
et par bonds de 50 m. toutes les demi-minutes;
c) les tirs de barrage fixés seront établis en avant de l'infanterie, à chacun de ses arrêts.
L'Artillerie lourde poursuivra avec intensité la lutte contre l'artillerie ennemie
qu'elle devra détruire ou neutraliser.
Jusqu'à l'heure H - 10, elle fera tous les tirs de destruction qu'elle pourra exécuter, mais aura à neutraliser toute batterie ennemie qui ferait de la contre-préparation ou contre-batterie.
A partir de H - 10, elle entamera avec la plus grande violence les tirs de neutralisation générale ...elle les continuera aussi longtemps que l'artillerie ennemie tirera.
Il faut absolument qu'elle fasse taire l'artillerie ennemie qu'elle n'aura pu détruire, et cela depuis H - 10, au moins, jusqu'à ce que les lignes d'attaque soient arrivées et installées sur leurs objectifs. Elle ne ménagera ni les munitions ni sa fatigue . c'est à partir de l'heure H que commence la période décisive dont elle doit assurer le succès.
(Les armées françaises dans la Grande guerre.
Tome IV, 3e volume. Annexes 1er volume. Annexe N°62)
 
 
Vue 7 
Une tranchée. Des soldats sont tournés vers l'intérieur et s'échangent un morceau de pain.  
Un autre a les lieux baissés, il tient son fusil entre ses deux mains et semble dormir. Des soldats sont couchés sur un côté de la tranchée, ils ont leur fusil orienté vers l'extérieur et surveillent attentivement l'horizon. On voit nettement l'eau qui s'est accumulée dans la tranchée. Les chaussures sont maculées de boue, les cols sont relevés, les têtes un peu inclinées, on comprend qu'il pleut. 
 

Le 4 septembre au lever du jour, chaque unité est en position.
En fin de matinée, on apprend que la VIe armée, plus au nord, a obtenu d'excellents résultats,
les soldats ont donc bon moral.
Devant Belloy, c'est à 14 heures que les hommes montent les gradins de franchissement des tranchées
et courent en avant accompagnés par les tirs incessants de l'artillerie. En 15 minutes les premières et secondes lignes allemandes sont enlevées. Ensuite, il faut se maintenir sur ces lieux, c'est-à-dire lutter pour éviter une contre-offensive ennemie.

Au soir, la 3e division dans laquelle combat Henri, s'est emparée des tranchées Blanche, de Goritzia, François-Joseph, des Hures, de Tahure, du Poivre. Soit une avancée de 300m à peine pour la tranchée la plus éloignée.
 
  

Vue 8 
Photo de nuit. On ne distingue pas le sol du ciel, sauf dans la partie supérieure à cause des tracées lumineux. On peut croire à une soirée de feux d'artifices. Au centre, une gerbe de lumière éclaire faiblement cette partie du ciel. Juste en dessous, en regardant mieux on semble voir une ligne d'horizon cahotique : un sol bouleversé ?  
 
  Dans l'obscurité de la nuit, il y a des contre-attaques allemandes, des portions de terrains regagnées et des blessés qui gémissent. Les baïonnettes brillent sous le feu des tirs.
La nuit est froide
et pluvieuse. Les Français savent qu'il faudra demain consolider les positions,
et si possible continuer l'avancée. Les tirs d'artillerie ont été continus et violents, la fatigue est grande.

Antoine Lagadec et Paul Chaulois sont les compagnons d'Henri. Ils n'ont pas eu le temps aujourd'hui d'avoir peur : le bruit infernal, les autres qui courent avec vous, la violence immédiate et indispensable pour survivre, la tension poussée à l'extrême...

Maintenant, dans la tranchée à demi effondrée, ils n'osent pas même chuchoter : il faut épier chaque grincement, chaque bruit...un homme peut surgir, d'un coup dans la nuit. A peine si, accroupis dans la boue ils se laissent surprendre quelques minutes par une léthargie nauséeuse.

Dès l'aube, le canon tonne, l'ennemi réagit fortement en bombardant vers 12 heures 30 et pendant ¾ d'heures la tranchée où se trouve Henri. Des centaines d'obus bouleversent le sol, font jaillir la terre, les pierres, les débris d'objets ou de corps. La fumée épaisse est zébrée d'éclairs de feu, le bruit est tel que les ordres sont difficiles à communiquer. Une violence folle sur un secteur si réduit.

A 14 heures l'attaque part, et la 3e division s'empare de nouveau de la tranchée des Hures, d'une partie de celle de Tahure et de la tranchée du Poivre, quelques soldats atteignant même le bois St Eloi. Vers 16 heures un autre groupe atteint le bois de Damloup qui n'est plus qu'un bouquet d'arbres squelettique.

Malgré ces efforts terriblement coûteux en hommes pour quelques centaines de mètres, le jour suivant, la plupart des positions gagnées seront perdues.
 
 

Henri Joseph Combes,  

sergent au 272e régiment d'infanterie, matricule 016, âgé de 33 ans, décédé à Belloy-en-Santerre le 5 septembre 1916, heure inconnue, mort pour la France... 

Médaille militaire, croix de guerre avec palme. 
 

 

Pendant la bataille de la Somme, plus de 1 200 000 soldats, Allemands, Français, Britanniques sont tués.

44. Epilogue

Dans le petit cimetière de Malescombes, sur la stèle centrale figure des noms d'hommes dont les ancêtres ont été plusieurs fois cités dans notre histoire : Delous, Beluel, Thibaut. On trouve aussi Casimir Combes, qui, par erreur est devenu Camille Combes. Plus bas vient son frère Henri.
Henri Combes laissait une épouse,
Casimir une épouse et deux enfants.
Mais la guerre ne fut pas à cette époque la seule vampire de cette pauvre humanité : le beau-père de Casimir mourut en janvier 1918 de la grippe espagnole comme un million d'autres. L'épouse de Casimir fut fauchée par une appendicite en 1920. Son fils, le petit Maurice, orphelin de père et de mère, ayant aussi perdu sa sœur se retrouva seul à huit ans. Il fut élevé par sa grand-mère maternelle. Il eut aussi sa part de guerre et resta cinq ans prisonnier en 1940-1945.

Je suis son fils.

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